Risques psychosociaux et Droit
Le Harcèlement
Cet article a pour but de présenter les principaux éléments concernant le Harcèlement, dans le cadre de l’étude des risques psychosociaux et de leurs conséquences juridiques.
Dans l’entreprise, le harcèlement est un facteur de risques psychosociaux. En effet, qu’il soit sexuel ou moral, il pourra provoquer un stress important, une dépression, etc… L’employeur a ainsi des obligations spécifiques concernant le risque de harcèlement.
Il existe plusieurs types de harcèlement prévus par le Code pénal ; il convient de s’intéresser ici au harcèlement au travail ainsi qu’au harcèlement sexuel.
I) Le harcèlement au travail
Le harcèlement au travail a été créé par la loi du 17 janvier 2002.
L’article 222-33-2du Code pénal réprime le « fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
La peine encourue est de deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende.
Quelques précisions peuvent être apportées sur les éléments constitutifs de cette infraction (pour rappel : la constitution d’une infraction nécessite la réunion d’un élément matériel et d’un élément moral).
Dans le cadre d’une relation de travail, l’auteur de l’infraction de harcèlement doit avoir commis des « propos ou comportements » de manière répétée. Le harcèlement, du fait même de sa définition, demande en effet en principe des agissements qui se sont renouvelés.
La jurisprudence a toutefois précisé qu’il n’était pas nécessaire d’établir un lien de subordination entre l’auteur de l’infraction et la victime (Chambre criminelle, 6 décembre 2011). Le harcèlement peut donc avoir lieu entre collègues.
Unrésultatde l’infraction doit également être déterminé :
§ Soit l’infraction a pour objetla dégradation des conditions de travail (il faudra alors également prouver la volonté de l’auteur de dégrader les conditions de travail de la victime)
§ Soit l’infraction a pour effetla dégradation des conditions de travail (il faudra alors également prouver que l’auteur avait la volonté de commettre de tels agissements)
Quelques exemples :
Le refus de fournir du travail, de façon persistante et accompagné de pressions visant à exclure une salariée ancienne et titulaire d'un mandat syndical de son activité professionnelle, alors que celle-ci reprenait son poste à la suite d'un arrêt maladie, est constitutif de harcèlement moral. (Cour d’appel de Paris, 10 sept. 2002)
Est constitutif de harcèlement moral le fait, par le maire d'une commune rurale, d'avoir pris, pendant trois années, en toute connaissance de cause, à l'encontre de la secrétaire de mairie qui ne lui convenait pas, un ensemble de mesures vexatoires, injustes et inappropriées. (Crim. 22 nov. 2011)
Confirmation par la Cour d’appel du jugement de condamnation d’unmaire d'une commune, pour harcèlement moral contre une employée municipale, en usant d'agissements répétés et, notamment, en l'isolant de son environnement professionnel et en dévalorisant son travail et sa personnalité, et ce, à de multiples reprises (rejet du pourvoi, Crim 4 septembre 2012)
II) Le harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel est réprimé par l’article 222-33 du Code pénal. Il recouvre en réalité deux types de harcèlement :
- Le harcèlement sexuel
- Le harcèlement sexuel assimilé
La peine encourue est alors de deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende.
Le harcèlement sexuel
Réprimé à l’article 222-33 I du Code pénal, le harcèlement sexuel est « le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. ».
Lespropos ou comportement, comme pour le harcèlement au travail, doivent être répétés, mais ici, les agissements doivent être à connotation sexuelle.
Le résultat de la commission du harcèlement sexuel peut être de deux ordres :
- Atteindre la dignité de la victime en raison du caractère dégradant et humiliant des agissements
- Créer à l’encontre de la victime une situation intimidante, hostile ou offensante
Le harcèlement sexuel assimilé
Prévu par l’article 222-33 II du Code pénal,le harcèlement sexuel assimilé est « le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. »
La nécessité d’un comportement répété est ainsi abandonnée ; il suffit d’une fois pour que l’infraction soit constituée.
Ce harcèlement sexuel constitue en l’usage de pressions graves dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle. La jurisprudence a précisé ce que l’on pouvait entendre par « acte de nature sexuelle »
Elle retient par exemple dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 janvier 1996 qu’ « Au-delà du coït, il convient d'entendre par « faveurs de nature sexuelle », tout acte de nature sexuelle, et notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un phantasme d'ordre sexuel, voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel »
III) Obligations de l’employeur
Aussi bien le harcèlement moral que le harcèlement sexuel font naître des obligations à l’égard de l’employeur.
Articles L.1152-1 à L.1152-6 du Code du travail : sur le harcèlement moral
- Aucun salarié, personne en formation ou stage, candidat à un recrutement, … ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de ces faits.
- L’employeur prend toutes les mesures nécessaires pour prévenir les agissements de harcèlement moral. Il doit notamment informer par tout moyen du texte de l’article 222-33-2 du Code pénal.
- Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire.
Articles L.1153-1 à L.1153-6 du Code du travail,sur le harcèlement sexuel :
- Aucun salarié, personne en formation ou stage, candidat à un recrutement, … ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel, ou pour avoir témoigné de ces faits.
- L’employeur prend toutes les mesures nécessaires pour prévenir, sanctionner et mettre un terme aux agissements de harcèlement sexuel. Il doit notamment informer par tout moyen du texte de l’article 222-33 du Code pénal.
- Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire.
La jurisprudence a précisé les obligations de l’employeur :
L’employeur dispose d'un délai maximal de deux mois pour engager la procédure disciplinaire à partir du moment où les faits de harcèlement sont portés à sa connaissance, sans que l'engagement par le salarié d'une action prud'homale aux fins d'indemnisation ait un quelconque impact sur ledit délai (Soc. 29 juin 2011, n° 09-70.902)
L’employeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité au titre de son obligation de sécurité de résultat, notamment en matière de harcèlement moral, par la démonstration d'une absence de faute de sa part, il doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés (Soc. 19 oct. 2011, n° 09-68.272).
L’employeur qui a manqué à son obligation de résultat lorsque son salarié est victime de harcèlement est ainsi responsable civilement, c'est à dire qu’il devra des dommages et intérêts à son salarié du fait du préjudice subi.
Toutefois, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les art. L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser, est exonéré de sa responsabilité en matière de harcèlement moral. (Soc. 1erjuin 2016)
Sur le plan de la responsabilité pénale : l’employeur auteur du harcèlement peut être condamné aux peines précédemment évoquées. Il pourra d’ailleurs encourir une peine plus lourde, du fait de la circonstance aggravante d’avoir « abusé de l’autorité que lui confère ses fonctions ». Il risque dans ce cas-là 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende.
De plus, l’employeur pourra être condamné pour complicité de harcèlement si les conditions de la complicité sont remplies (article 121-7 du Code pénal).
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr
Code Pénal éditions Dalloz
Code du travail
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